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GRANDGOUJON

— Nous allons unir leurs crétinismes, décida Moquerard.

Il redevenait joyeux, faisait des yeux en amande ; puis, il mettait les coins de sa moustache dans sa bouche, et il les mâchait avec frénésie.

— Ce Grandgoujon, prononça-t-il, doit être une vache à lait. Je vais lui faire élever des enfants !

— Quels enfants ? dit Nini qui éclata de rire.

— Des petits Français, des Boches, des gosses rapatriés : Colomb en a à la pelle. Le pôvre est acoquiné à des œuvres charitables, où on soupire et où on a les yeux trempés toute la journée… Regarde cette andouille de Grandgoujon ; il te coule des regards dévoués ; il sera sublime en bonne d’enfant. Et le temps qu’il change et lave les couches, il ne se baladera plus. Soulagement ! Car on ne peut aller nulle part : il est partout. Regarde, regarde maintenant Colomb qui amène un pensionnat !

— Qu’est-ce que c’est ? dit Nini.

— Je te le dis : des gosses rapatriés. Et il va les faire chanter.

— Chanter ?

— C’est un type qui est bon, comme l’autre. Alors, il fait chanter les mutilés, les vieilles filles, les nouveaux-nés. Il forme des chœurs et quand on n’a pas la Garde Républicaine, il s’amène avec ses victimes.

— Mais qu’est-ce qu’ils chantent ? dit Nini.

— Des cantiques, la Marseillaise, Pauvre Jacques.