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GRANDGOUJON

bien considérer, Grandgoujon se sentait une fervente gratitude pour la Nature ou le Créateur, et, dans l’ombre de l’antichambre, il ne put s’empêcher de lui demander :

— Avez-vous revu l’homme étrange dont l’oncle est mort en avalant une fourchette ?

Alors, dans un éclat de rire sonore, elle fit :

— Quel fou ! Je le vois souvent ! Il me fait la cour… ce qui n’inquiète d’ailleurs guère mon mari.

— Plaît-il, chère amie ? demanda Monsieur Punais.

— Nous parlons de Moquerard.

— Ah ! oui, oui, reprit Monsieur Punais, soucieux.

Mais son souci portait sur la question de savoir si le Ministre de la Marine avait accepté de venir à sa manifestation.

Bref, on se quitta avec des sentiments de douce amitié, et Grandgoujon, l’œil allumé, dit à sa mère, dès qu’ils eurent refermé la porte :

— Moquerard est un chameau… car elle est délicieuse.

— Mais, reprit vivement Madame Grandgoujon, avec son ingénu besoin de voir partout le bien, la vertu et les marques de Dieu, j’en étais sûre ! Ce n’était pas de toi d’avoir ces mauvaises pensées.

— J’ai répété ce que raconte cet individu, fit Grandgoujon. Mais, il ne l’emportera pas en Paradis !

Il se campa, déliant :

— Avec moi ils auront du fil à retordre, ces