d’autre souci que de rester en équilibre et de se préserver des coups. Enfin, on arriva au croisement de deux routes. Le chauffeur cria : « Tu descends ? Allez, grouillons !… Là-bas, su la droite, vois-tu une roulotte ? C’est la Compagnie Z. »
— Pas possible ?… Et… plus loin… la fumée ?
— Marmite boche.
— Non ?… Diable !… Mais…
— Quoique tu sois large, c’est pas pour toi !
Il s’efforça de sourire, dit merci, se sentit une chaleur à la nuque, et prit enfin la direction indiquée, mais ses yeux ne quittaient plus l’horizon.
On y voyait des éclatements sans que, d’ailleurs, on n’entendît ni roulement ni bruit. — Grandgoujon ressentait une impression bizarre… Alors il y était, tout à coup ?… sans que rien de spécial l’eût prévenu ?… Et là, au bout de cette morne plaine, il y avait une bataille ? Mais où étaient les troupes ?
L’esprit tendu, le pas un peu chancelant, il arriva à ce qu’on appelait la Compagnie Z : en pleine campagne, sur de hautes roues, une mince voiture d’où partaient des fils télégraphiques. Un lieutenant, sur le seuil, fumait. Grandgoujon se mit au garde à vous, exhiba sa feuille, présenta sa girouette. L’officier dit sans hâte :
— C’est pour le colonel Mahu… Laboulbène, accompagnez cet homme-là aux lignes.
Aux lignes ! Le mot atteignit Grandgoujon comme une balle : il regarda le lieutenant et le nommé Laboulbène qui sortait de la voiture.