— Votre pauvre mère, cette chère Anaïs, comment supporte-t-elle ?
Et elle fit une moue féroce. Grandgoujon, assis sur un pouf, se décida à répondre :
— On ne peut pas dire qu’elle supporte bien… Avec moi !… J’arrive de Nancy, d’un bombardement effroyable !
— Combien de morts ? dit impérativement la vieille.
— Des… oh ! des tas ! fit Grandgoujon.
Elle se dressa sur son fauteuil :
— Comme le général avait bien prédit tout, mon neveu !
Et raide d’orgueil, heureuse que « tout » se réalisât, elle parla d’Agadir, des provocations allemandes, des articles de M. de Mun, de la politique de Guillaume II en Orient, et toujours comme refrain :
— Le Général l’avait dit.
— Ça ne m’étonne pas, fit Grandgoujon ; mais avez-vous conservé, ma tante… des relations parmi les officiers ?…
— Dame ! fit-elle.
— Connaîtriez-vous le commissaire militaire ?
— De la gare ? Oh ! non, reprit-elle, pleine de dédain. Je connais les officiers supérieurs de l’État-major.
— Il y a un État-major ?
— Mon neveu, le jour qu’il s’est installé dans Clermont, j’ai fait remettre des cartes ayant appartenu au général, documents précieux pour la Défense Nationale. Ces Messieurs m’ont remerciée :