— J’en ai trop ! Service armé, je n’aurais pas marchandé ma peau, et je saurais mourir comme un autre…
— Poulot !
Bien installé à table, il ajouta dans une bouffée d’héroïsme ingénu :
— Il y a de belles morts !
— Ne parle pas de ça, puisque tu as la chance…
— Aussi, demain je vois Moquerard.
— Pourquoi ?
— Pour… Mais encore une fois je veux être mobilisé pour quelque chose ! Cette guerre-là peut durer trente ans.
— Allons !… dit Madame Grandgoujon.
— Tu as des précisions ?
Il la défiait, les bras croisés :
— Il paraît, reprit-elle d’une voix assurée comme la paix de son âme, que ce ne sera plus long. Il y a une histoire saisissante de cocher, devant le Sacré-Cœur.
— De cocher ?
— Il est tombé de sa voiture ; il a dit : « Je serai mort dans trois minutes, et la guerre sera finie dans trois mois. » Trois minutes après il était mort… C’est troublant pour la guerre.
Grandgoujon ne ricanait plus.
— Qui est l’auteur de cette idiotie ?
— Madame Creveau me l’a rapportée.
— Pauvre femme !… Laissons Madame Creveau et son cocher. La paix viendra, comme la guerre, par la force d’événements, qu’on ne peut pas prévoir. Un ami me disait hier : « Les Boches