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« Priez pour ceux qui vous persécutent, a dit le livre, reprit Tom.

— Pour eux ! s’écria tante Chloé ; c’est par trop dur ! Je peux pas prier pour eux !

— C’est la faute de la chair, Chloé, et la chair est faible ; mais l’esprit de Dieu est fort. Pense seulement à l’âme de ces pauvres créatures, et remercie le Seigneur, Chloé, de n’être pas à leur place. Ah ! pour certain, j’aime mieux être vendu des cent et cent fois, que d’avoir sur le cœur tout ce dont ces pauvres méchants auront à répondre !

— Moi tout de même, dit Jacquet. Eh ! bon Dieu, jamais nous vouloir attraper Lizie ; pas vrai, Andy ? »

Andy plia les épaules, et siffla en signe d’acquiescement.

« Je suis content que maître ne soit pas parti ce matin comme il l’avait résolu, poursuivit Tom. J’aurais été encore plus chagriné, je crois, de le voir partir que d’être vendu. C’est naturel à lui de ne pas vouloir y être ; mais, moi, j’en aurais le cœur bien gros ! Je l’ai vu si petit ! — Là, maintenant, je me sens tout résigné. C’est la volonté de Dieu. Maître n’y peut mais, et il a fait pour le mieux. Ce qui me soucie à l’heure qu’il est, c’est de penser comment ça ira quand je n’y serai plus ! Faut pas s’attendre que le maître aille voir à toutes choses pour tâcher de joindre les deux bouts comme je faisais ; et quoiqu’ils aient bonne volonté, nos hommes sont de fiers sans-souci ; c’est là ce qui me tourmente. »

La sonnette se fit entendre, et Tom fut appelé au salon.

« Tom, dit affectueusement son maître, je tiens à ce que vous sachiez que j’ai signé à monsieur un dédit de mille dollars au cas où vous ne vous trouveriez pas ici à l’heure où il viendra vous réclamer. Il vaque à d’autres affaires aujourd’hui ; vous pouvez disposer de la journée. — Va donc où tu voudras, mon bon garçon !

— Je vous remercie, maître, dit Tom.

— Et songes-y ! reprit le marchand, ne t’avise pas de