Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Non, vraiment, dit la femme, les bateaux ne marchent plus. »

L’expression de désolation et de terreur d’Éliza frappa la brave hôtesse, et elle reprit :

« Peut-être avez-vous grand intérêt à traverser ? — Quelqu’un de malade ? — Vous semblez si tourmentée !

— J’ai un enfant en grand danger, dit Éliza, je ne l’ai su que de la nuit dernière, et depuis j’ai toujours marché dans l’espoir d’arriver au bac.

— Là ! c’est vraiment malheureux ! répliqua la femme, dont les sympathies maternelles venaient de s’éveiller. Je suis peinée à cause de vous. Salomon ! » cria-t-elle de la fenêtre.

Un homme, en tablier de cuir et les mains fort sales, parut à la porte d’un arrière-bâtiment.

« Dites donc ! le batelier traverse-t-il ce soir avec les barriques ?

— Il a dit qu’il tâcherait, pourvu que ce fût possible, répliqua Salomon.

— Il y a, reprit l’hôtesse, à un jet de pierres de chez nous, un homme qui doit traverser, s’il l’ose, pour un transport de marchandises pressées. Il vient ici souper dans un moment ; vous ferez donc mieux de vous asseoir là et de l’attendre. Voilà-t-il pas un gentil petit camarade ! » ajouta la femme, et elle offrit un gâteau à l’enfant. Mais Henri, fléchissant, pleurait de lassitude.

« Pauvre petit ! il n’est pas habitué à marcher autant, et je l’ai trop fait courir, dit Éliza.

— Eh bien, reprit la femme, faites-le un peu reposer là-dedans ; » et elle ouvrit la porte d’une petite chambre où se trouvait un lit. La mère y posa son pauvre garçon exténué, dont elle tint les petites mains entre les siennes jusqu’à ce que l’enfant fût endormi.

Pour la mère, il n’y avait pas de sommeil. Comme un feu adhérent à ses os brûlait en elle la pensée des chasseurs attachés à sa piste ; et elle fixait un regard ardent sur