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CHAPITRE VII.

enfant, se confondaient, dans son âme abasourdie, avec l’étourdissante sensation de ses propres périls, à l’heure où elle s’éloignait du seul asile qu’elle connût, et se dérobait à la protection d’une maîtresse aussi vénérée que chérie.

C’était l’adieu à chaque objet familier, à mesure que s’effaçaient, sous la froide et claire lueur d’un ciel étoilé, le toit qui l’avait vue grandir, l’arbre qui avait ombragé ses première jeux, le petit bois où, appuyée sur le bras de son jeune mari, elle avait joui de tant d’heureuses soirées. Les souvenirs se dressaient tour à tour au devant de ses pas, comme pour lui reprocher son départ, l’abandon de son passé et de tant d’affections qu’elle ne retrouverait plus.

Mais l’amour maternel, exaspéré jusqu’à la frénésie par l’approche d’un affreux danger, dominait en elle tous les regrets, toutes les terreurs. Son fils était déjà assez grand pour marcher à ses côtés ; elle le portait cependant, et l’idée seule de relâcher cette étreinte convulsive la faisait frissonner, tandis qu’elle pressait de plus en plus le pas.

Le sol gelé craquait sous son pied, et elle tressaillait au bruit. La feuille agitée, l’ombre mouvante lui renvoyaient au cœur un flot de sang, et sa marche rapide devenait plus rapide encore, et elle s’étonnait de la force qu’elle sentait croître en elle. Le poids de son garçon n’était plus rien, une plume, un fétu, et chaque palpitation d’effroi accroissait la vigueur surnaturelle qui la précipitait en avant, tandis que de ses lèvres pâles sortait incessamment cette prière au céleste ami de celui qui souffre : « Seigneur, venez à mon aide ! Hâtez-vous de me secourir ! »

Si c’était votre Henri, mère au teint blanc, si c’était votre Willie qu’un brutal marchand de chair humaine dût vous arracher au matin ; si vous aviez vu l’homme, vu la signature de l’acte, et n’eussiez que quelques heures