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LA CASE DE L’ONCLE TOM

recouvrer votre propriété est à vos ordres. — Bref, poursuivit-il, retombant soudain de son ton de froide dignité à sa bonhomie habituelle et familière : ce qu’il y a de mieux à faire pour vous, Haley, croyez-moi, c’est de redevenir bon enfant, de déjeuner en paix, et nous aviserons ensuite. »

Madame Shelby se leva : ses occupations, dit-elle, ne lui permettraient pas de faire, ce matin, les honneurs de sa table, et laissant la chambre, elle chargea une digne matrone mulâtre du soin de servir le café.

« La brave dame ne raffole pas de votre humble serviteur, dit Haley, avec un effort maladroit pour se mettre à l’aise.

— Je ne suis pas habitué à entendre parler de ma femme sur ce ton, répliqua sèchement M. Shelby.

— Pardon ! excuse ! affaire de plaisanterie, voyez-vous ! dit Haley avec un rire forcé.

— Il est des plaisanteries plus agréables les unes que les autres, repartit Shelby.

— Peste ! il s’est joliment enhardi depuis que j’ai signé les quittances. Le diable l’enlève ! murmura Haley à lui-même. Il tranche du grand, pour l’heure ! »

Jamais, dans aucune cour, chute de premier ministre n’occasionna plus d’orageuses sensations que la nouvelle du destin de Tom n’en souleva parmi ses camarades. Ce thème revenait incessamment, partout, dans toutes les bouches, et l’on ne faisait autre chose, à la maison et au dehors, que discuter les résultats probables de cet événement. La fuite d’Éliza (sans précédents sur l’habitation) venait encore stimuler l’excitation générale.

Sam le Noir, ainsi nommé parce qu’il avait environ trois couches d’ombre en plus que les autres fils d’ébène de l’endroit, Sam tournait et retournait le sujet sous toutes ses faces, avec une finesse de perception et une justesse de prévision, quant aux conséquences en rap-