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LA CASE DE L’ONCLE TOM

mer, Chloé ! il prendra soin de toi et des pauvres… »

Il se tourna vers le coffre à roulettes où moutonnaient tant de petites têtes crépues, et le cœur lui manqua. S’appuyant sur le dos de sa chaise, il couvrit sa face de ses larges mains ; des sanglots profonds et uniques ébranlèrent tout son corps, et de grosses larmes, filtrant entre ses doigts, inondèrent le plancher. Des larmes, lecteur blanc, semblables à celles que vous avez versées sur le cercueil de votre premier-né ; des larmes, madame, semblables à celles qui brûlaient vos yeux lorsque le râle de votre enfant expirant pénétra votre oreille ! car Tom était un homme comme vous, lecteur ; et vous, madame, avec vos habits soyeux, vos joyaux, vos parures, vous n’êtes qu’une femme, et dans les grandes et terribles épreuves de la vie, tous vous ressentez une même angoisse.

« Un mot de plus, dit Éliza s’arrêtant sur le seuil. J’ai vu mon mari cette après-midi ; je ne me doutais guère, alors de ce qui allait arriver ! Mais lui, ils l’ont poussé à bout, et il me venait dire qu’il s’enfuirait ; tâchez, si vous pouvez, de lui faire savoir que je suis partie, et pourquoi ; dites-lui que j’essaierai de gagner le Canada. Faites-lui mes tendresses, et recommandez-lui bien, si je ne dois plus le revoir, — elle se détourna un moment, puis ajouta d’une voix étouffée : — recommandez-lui d’être aussi bon qu’il peut l’être, afin que nous nous retrouvions là-haut. — Rappelez Bruno, ajouta-t-elle, renfermez-le ; pauvre bête ! il ne faut pas qu’il me suive. »

Encore quelques mots, quelques larmes, un simple adieu, une bénédiction, et, serrant son enfant effrayé sur son sein, elle disparut dans l’ombre.