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son inexprimable surprise et à sa profonde consternation, elle a entendu des chrétiens, des hommes jouissant d’une réputation d’humanité, recommander, comme un devoir de bon citoyen, de rendre à leurs chaînes les malheureux esclaves fugitifs, — quand, de toutes parts, dans les États libres dit Nord, se sont multipliées, entre gens tendres, compatissants, estimables, des discussions sur le devoir du chrétien en pareille circonstance ; — elle s’est dit : Ces hommes, ces chrétiens ne savent pas ce que c’est que l’esclavage ; s’ils s’en doutaient seulement, une telle question ne pourrait être soulevée. C’est alors qu’elle a désiré représenter au vif et au vrai, dans une narration dramatique, l’esclavage tel qu’il est. Elle s’est efforcée de rendre pleine justice au côté le plus favorable ; quant à l’autre ! ah ! qui peindra jamais sous ses véritables couleurs ce qui ne saurait être révélé, ce qui se cacha enfoui dans la vallée obscure, qui, sous l’ombre de la mort, s’étend de l’autre côté !

À vous, habitants du Sud, hommes, femmes au cœur généreux, — à vous dont la vertu, la magnanimité, la pureté de caractère, éclatent d’autant plus qu’elles ont résisté à de sévères luttes, — c’est à vous que l’auteur en appelle ! N’avez-vous pas senti, au profond de votre âme, et dans l’intimité de vos relations, que ce système exécrable engendre des infamies, des plaies, des ulcères, qui dépassent de bien loin ce que nous avons faiblement esquissé dans ce livre, ce que même l’on n’oserait pas indiquer ? En peut-il être autrement ? Est-ce à l’homme qu’un pouvoir tout à fait irresponsable peut être confié ? et la loi qui enlève à l’esclave sa voix, comme témoin légal, ne fait-elle pas de chaque maître un despote dont le pouvoir est complètement arbitraire ? La conclusion pratique doit être claire à tous les yeux. Si, parmi vous, hommes d’honneur et d’humanité, règne, comme nous le reconnaissons, une opinion publique dont l’appréciation loyale est un frein, ne règne-t-il pas une opinion