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mari, et lui répéta ses tendres et dernières paroles.

Environ un mois après, tous les esclaves de la plantation Shelby furent convoqués, un matin, dans le grand vestibule pour y entendre ce que le jeune maître avait à leur dire.

Il parut au milieu d’eux, une liasse de papiers à la main : à leur grande surprise, c’étaient des lettres d’affranchissement ; il les lut, et les leur distribua, au milieu des pleurs et des exclamations de toute l’assemblée. Cependant, plusieurs se pressèrent autour de lui, le conjurant de ne les point congédier, et de reprendre les papiers, qu’ils lui tendaient avec une figure inquiète.

« Nous n’avons que faire de plus de liberté, disaient-ils. — Rien ne nous a manqué ici. — Nous ne voulons pas laisser la vieille maison, ni maître, ni maîtresse, ni tout !

— Mes bons amis, dit George, dès qu’il put obtenir un moment de silence, vous n’aurez pas à me laisser. L’habitation a besoin d’autant de mains qu’elle en a jamais occupé. Nous conservons dans la maison le même nombre de domestiques. Seulement, à dater de ce jour, vous êtes libres. Je vous payerai pour votre travail un salaire convenu. Le grand avantage, c’est que si je venais à m’endetter ou à mourir, — choses qui peuvent arriver, — vous ne pourriez être, maintenant, ni saisis, ni vendus. Je continuerai à faire valoir la terre, et tâcherai de vous enseigner, ce qui ne s’apprend pas en un jour, à bien user des droits que je vous donne. J’attends de vous de la douceur, de la bonne volonté pour apprendre, et, avec l’aide de Dieu, je serai loyal et fidèle à enseigner. Maintenant, mes amis, levez les yeux là-haut, et remerciez Dieu du bienfait de la liberté. »

Un vieux patriarche nègre, qui avait blanchi sur la plantation, et qui était devenu aveugle, se leva, et, joignant ses mains tremblantes, dit : « Enfants, rendons grâces au Seigneur ! » Tous s’agenouillèrent à la fois.