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Madame Shelby sourit.

« Bien sûr, mon vieux reconnaîtra pas les garçons, ni la petite mignonne non plus. — Seigneur ! Polly est une grande fille à présent, et une bonne fille, point trop manchote. Elle est restée à la case pour veiller au gâteau, tout juste le pareil de celui que mon vieux aimait tant ! le même que je lui avais fait le jour qu’on l’a emmené ! Le Seigneur nous bénisse ! je savais pas où j’en étais ce matin-là ! »

Madame Shelby soupira : ce souvenir lui tombait comme un poids sur le cœur. Depuis qu’elle avait reçu la lettre de son fils, elle éprouvait une inquiétude vague ; elle craignait que son silence ne cachât quelque mauvaise nouvelle.

« Maîtresse a bien les billets ? demanda Chloé avec anxiété.

— Oui, Chloé.

— C’est que je voudrais faire voir à mon vieux les vrais billets que ce confesseur de là-bas m’a donnés. « Chloé, qu’i’ m’a dit, je suis fâché que vous restiez pas plus longtemps. » — Merci, maît’, que je lui réponds ; c’est pas possib’, parc’ que mon vieux va revenir, et que maîtresse peut pas se passer de moi davantage. Voilà tout juste comme j’ai dit. Un homme bien juste et très comme il faut, M. Jones. »

Chloé avait demandé avec instance que les mêmes billets de banque, qui lui avaient été payés comme gages, fussent conservés pour être montrés à son mari, en preuve de sa capacité, et madame Shelby y avait consenti de grand cœur.

« Oh ! il ne pourra jamais reconnaître Polly, mon vieux ! il la reconnaîtra pas, c’est sûr. — Seigneur ! dire qu’il y a cinq ans qu’ils l’ont emmené ! La petiote pouvait quasiment pas se tenir sur ses pieds. Je me rappelle comme il était toujours en sursaut, de peur qu’elle tombât, quand elle commençait à marcher ! i semble que ce soit hier. »