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refuge réunit souvent, dans une commune allégresse, ceux qui, durant de longues années, se sont pleurés l’un l’autre, se croyant à jamais perdus. Rien de plus touchant que l’ardeur inquiète avec laquelle on accueille chaque arrivant qui peut apporter quelques nouvelles de mères, de sœurs, d’enfants, de femmes perdus encore dans les sombres limbes de l’esclavage.

Il se fait des actes d’héroïsme au-dessus de toutes les fictions romanesques, lorsque, défiant les tortures et bravant la mort, le fugitif, sauvé une première fois, retourne volontairement s’exposer à tous les périls de ces lieux de ténèbres, pour en arracher une mère, une sœur, une épouse !

Un jeune homme, dont un missionnaire nous racontait l’histoire, deux fois repris, déchiré de honteux coups de fouet pour son héroïsme, s’est échappé de nouveau, et, dans une lettre que nous entendions lire, parle de retourner à tout risque pour tenter de délivrer sa sœur. Cet homme est-il, à votre avis, un criminel ou un héros ? Pour sauver votre sœur n’en feriez-vous pas autant ? et le pouvez-vous blâmer ?

Revenons aux amis que nous avons laissés essuyant leurs larmes et cherchant à reprendre haleine au milieu des transports d’une joie trop vive et trop inattendue. Les voilà réunis autour d’un riant couvert, et devenus vraiment sociables et de bonne compagnie. Cassy seulement, la petite Éliza sur ses genoux, ne se peut modérer et la serre souvent avec transport. La petite espiègle étonnée la regarde, et ne comprend pas que la dame refuse de se laisser étouffer à force de gâteaux, que l’enfant persiste à lui fourrer dans la bouche ! et lorsque Cassy affirme avoir enfin trouvé ce qu’elle aime mieux que tous les gâteaux et bonbons, la petite fixe sur elle de grands yeux tout surpris.

Deux ou trois jours ont rendu Cassy méconnaissable. Son expression de farouche désespoir a fait place à l’air