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du matin. Un rire sardonique venait encore assombrir sa triste physionomie, à mesure qu’elle les écoutait se partager le terrain, débattre le mérite des différents boule-dogues, donner des ordres pour faire feu, et décider de la façon de traiter, en cas de capture, chacune des fugitives.

Elle se recula, joignit les mains, et levant les yeux au ciel : « Ô Seigneur Dieu tout-puissant ! dit-elle, nous sommes tous pécheurs ; mais, pour être ainsi traités, qu’avons-nous fait, nous de plus que les autres ? »

Il y avait dans la voix, dans l’expression des traits, une terrible véhémence.

« Si ce n’était vous, enfant, poursuivit-elle, et son regard tomba sur Emmeline ; si ce n’était vous, j’irais droit à eux, et je remercierais celui qui m’abattrait d’un coup de fusil. Qu’est-ce que la liberté pour moi désormais ? me rendra-t-elle mes enfants ? me rendra-t-elle ce que je fus jadis ? »

Emmeline, dans son innocente simplicité, à demi effrayée des sombres fureurs de Cassy, la regarda, inquiète, émue, et ne fit nulle réponse. Seulement elle lui prit la main avec un mouvement de caresse timide.

« Non, dit Cassy, essayant de la repousser ; vous m’amèneriez à vous aimer ; et je ne peux plus, je ne veux plus rien aimer !

— Pauvre Cassy, dit Emmeline, ne désespérez pas. Si le Seigneur nous accorde la liberté, peut-être vous rendra-t-il votre fille ; et quoi qu’il arrive, je serai une fille pour vous. Je sais que je ne reverrai jamais plus ma pauvre vieille mère ! et, que vous m’aimiez ou non, je vous aimerai, Cassy ! »

Le doux esprit enfantin triompha. Cassy, assise près de la jeune fille, l’entoura de ses bras, caressa ses soyeux cheveux bruns, et Emmeline s’émerveilla de la beauté de ses magnifiques yeux maintenant attendris et voilés de larmes.