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de derrière. Les cris, les rugissements des traqueurs emplissaient l’air. Des fenêtres de la salle, les fugitives pouvaient voir la troupe avec ses flambeaux se disperser sur les bords du marais.

« Voyez ! dit Emmeline, la chasse commence ! Voyez danser les lumières au loin ! Écoutez !… les chiens ! n’entendez-vous pas ? Si nous étions là, notre chance ne vaudrait pas un picayune ! Oh ! par pitié ! cachons-nous vite !

— Il n’y a point lieu à se presser, dit Cassy froidement. Les voilà tous lancés, — la chasse sera le divertissement du soir ! Nous monterons tout à l’heure. En attendant — elle prit résolument une clef dans la poche du surtout que Legris avait ôté en hâte, — il nous faut de quoi payer notre passage. »

Elle ouvrit le bureau, et en tira un rouleau de billets de banque, qu’elle compta rapidement.

« Oh ! ne faisons pas cela, dit Emmeline.

— Pourquoi ? reprit Cassy. Qu’aimez-vous mieux ? que nous mourions de faim dans les marais, ou que nous puissions gagner un État libre ? L’argent peut tout, enfant. Elle mit les billets dans son sein.

— Mais c’est voler, dit Emmeline d’une voix basse et triste.

— Voler ! répéta Cassy avec un rire méprisant. Qu’ils nous prêchent, eux, qui volent le corps et l’âme ! Chacun de ces billets a été volé, — volé à de pauvres créatures affamées, qui suent sang et eau, et qu’il livre au diable à la fin pour son profit. Qu’il parle de vol ! Mais, allons ; autant vaut gagner notre grenier : j’y ai fait provision de chandelles et de livres qui aideront à passer le temps. Tenez-vous pour assurée qu’ils ne viendront pas nous chercher . S’ils le tentent… eh bien, je ferai mon rôle de revenant. »

Quand Emmeline atteignit le grenier, elle y trouva une immense caisse vide, couchée sur le côté, de manière