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« Ô Cassy, je me trouve mal !

— Tenez bon, ou je vous tue ! » Cassy tira de son sein un stylet ; elle en fit briller la lame aux yeux de la jeune fille.

Ce moyen extrême lui réussit : Emmeline ne s’évanouit pas. Toutes deux se plongèrent, dans le labyrinthe du marais, à un endroit si épais et si noir, qu’il eût été insensé à Legris de tenter de les y suivre sans renfort.

« Bien ! dit-il avec un féroce ricanement, elles se sont prises d’elles-mêmes au piège, — les coquines ! Elles sont en bon lieu. Elles me le payeront cher ! Holà ! hé ! Sambo ! Quimbo ! tout le monde ! cria Legris, arrivant aux cases comme les esclaves revenaient du travail. Il y a deux fuyantes dans le marais. Cinq dollars pour le nègre qui me les rattrape. Lâchez les chiens ! lâchez Tigre, Furie, toute la meute ! »

La nouvelle produisit une vive sensation. Plusieurs hommes s’élancèrent en avant pour offrir leurs services, dans l’espoir de la récompense, ou par suite de cette rampante servilité qui est un des plus odieux effets de l’esclavage. Les uns couraient à droite, les autres à gauche ; quelques-uns allumaient des torches de résine, d’autres détachaient les chiens, dont les aboiements rauques et sauvages complétaient le tumulte.

« Tirerons-nous dessus, mait’, si nous ne pouvons pas les dénicher ? demanda Sambo à qui Legris venait de donner une carabine.

— Tu peux tirer sur Cassy, si tu veux : il est grand temps qu’elle aille au diable, à qui elle appartient. Mais pour la fille, non. — Maintenant, garçons, alertes et prestes ! cinq dollars à celui qui les empoigne, et un verre de rhum à chacun de vous autres ! »

À la lueur des torches flamboyantes et aux hurlements sauvages des bêtes et des hommes, toute la bande se dirigea vers le marais : les domestiques suivaient à distance ; et la maison était complètement déserte quand Emmeline et Cassy s’y glissèrent à pas furtifs par la porte