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LA CASE DE L’ONCLE TOM.

pâté, et vous, pour la manger, et rester au salon ?… Dame ! j’étais en colère, et ça me poussait à l’insolence, massa Georgie.

— Et qu’a dit ma mère ?

— Ce qu’elle a dit ? — Elle a comme ri dans ses yeux, — ses beaux, grands yeux ! « Eh bien ! tante Chloé, je crois que vous avez raison ! » Et du même pas la voilà qui s’en retourne à la salle. Elle aurait dû me taper ferme sur la tête pour m’apprendre à être insolente. Mais que voulez-vous, massa Georgie ! impossible de rien faire avec des dames dans ma cuisine.

— Tu ne t’en étais pas moins bien tirée de ce dîner. Je me rappelle que tout le monde le disait.

— Oh ! que oui !… Étais-je pas derrière la porte de la salle à manger ce jour-là, et ai-je pas vu le général passer trois fois son assiette pour ravoir de ce même pâté ? ai-je pas entendu qu’il disait : « Il faut que vous ayez une fameuse cuisinière, madame Shelby ! » Oh ! je ne tenais pas dans ma peau ! C’est qu’aussi le général s’y connaît, dit tante Chloé, se redressant d’un air capable. Un très-bel homme ! d’une des très-premières familles de la Virginie ! Il s’y entend tout aussi bien que moi, le général ! Voyez-vous, massa Georgie, il y a des points capitaux dans un pâté : tout le monde ne sait pas ça, mais le général le sait. Je l’ai bien vu à ses remarques. Il sait quels sont les points capitaux, lui ! »

Massa Georgie en était arrivé à l’impossibilité complète, si rare chez un garçon de son âge, d’avaler une bouchée de plus : se trouvant donc de loisir, il avisa l’amas de têtes crépues et d’yeux avides qui, du coin en face, le regardaient opérer.

« Tiens ! à toi, Moïse ! à toi, Pierrot ! il rompit quelques gros morceaux et les leur jeta. Vous en voulez bien, n’est-ce pas ? Allons, tante Chloé, donne-leur donc de la galette ! »

Georgie et Tom s’établirent à l’aise au coin de la che-