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par la porte de derrière, et passer en courant devant les cases. Sambo ou Quimbo ne peuvent manquer de nous apercevoir. Ils se mettront à notre poursuite, et nous entrerons dans le marécage : impossible à eux de nous y suivre. Il leur faudra retourner en arrière, donner l’alarme, assembler les chiens ; et tandis qu’ils se croiseront, qu’ils se culbuteront, comme ils le font régulièrement à tout événement imprévu, nous suivrons à gué la crique qui s’étend derrière la maison jusqu’à ce que nous nous trouvions en face de la porte. Cette contre-marche mettra les chiens en défaut, car l’eau rompt la piste. Tout le monde désertera la maison pour courir après nous, et nous y rentrerons par la porte de derrière, et gagnerons le grenier, où j’ai fait un bon lit dans une des grandes caisses. Nous habiterons forcément ce grenier quelque temps ; car il soulèvera ciel et terre contre nous. Il enrôlera quelques vieux piqueurs des autres plantations, et se donnera le plaisir d’une grande chasse. Ils fouilleront pouce à pouce tout le sol du marais. C’est un de ses sujets d’orgueil que personne n’ait jamais pu lui échapper ! Qu’il chasse donc tout à loisir !

— Cassy, comme votre plan est bien conçu ! dit Emmeline. Vous seule pouviez l’imaginer. »

Les yeux de Cassy n’exprimèrent ni joie ni triomphe, rien que la fermeté du désespoir.

« Allons, » dit-elle, en tendant la main à Emmeline.

Les deux fugitives se glissèrent dehors sans bruit, et longèrent à travers les ombres du crépuscule le quartier des esclaves. Le croissant de la lune, se dessinant à l’ouest sur le ciel comme un sceau d’argent, retardait un peu les approches de la nuit. Ainsi que l’avait prévu Cassy, une voix leur cria de s’arrêter, au moment où elles atteignaient le bord du marais qui cernait la plantation. Ce n’était pas Sambo, mais Legris, qui les poursuivait en les accablant d’injures. Emmeline se sentit défaillir, et suspendue au bras de sa compagne, elle dit :