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Qu’es-tu donc ? N’y a-t-il en toi qu’un nom, qu’une figure de rhétorique ?

Pourquoi, Américains, le sang de votre cœur bouillonne-t-il à ce mot ? ce mot, pour lequel vos pères sont morts, pour lequel vos mères, encore plus courageuses, consentirent à voir mourir les meilleurs et les plus nobles de leurs fils ?

Ce qui est cher et glorieux pour une nation, n’est pas moins cher et moins glorieux pour un homme ! Qu’est-ce que la liberté d’un peuple, sinon la liberté des individus qui le composent ? Qu’est-ce que la liberté pour ce jeune homme, assis là, les bras croisés sur sa large poitrine, la teinte du sang africain sur ses joues, son feu sombre dans les yeux, — qu’est-ce que la liberté pour Georges Harris ? Pour vos pères, la liberté était le droit qu’a toute nation d’être une nation. Pour lui, c’est le droit qu’a tout homme d’être un homme, non une brute : le droit d’appeler la femme de son choix, sa femme, et de la défendre contre d’injustes violences ; le droit de protéger et d’élever son enfant ; le droit d’avoir une demeure à soi, une religion à soi, un caractère à soi, indépendants de la volonté d’un autre. Toutes ces pensées fermentaient dans l’esprit de Georges, tandis que, la tête appuyée sur sa main, il regardait sa femme svelte et délicate, revêtir à la hâte les vêtements d’homme, dont il avait été jugé nécessaire qu’elle s’affublât pour le départ.

« Maintenant, il faut s’exécuter, dit-elle, tandis que, debout devant la glace, elle détachait et secouait les noires et soyeuses ondes de son abondante chevelure. C’est presque dommage, n’est-ce pas, Georges ? et elle en souleva quelques boucles ; c’est pitié qu’il faille tout couper ! »

Georges sourit tristement et ne répondit pas.

Les ciseaux brillants se firent jour dans l’épaisse forêt, et les longues mèches tombèrent l’une après l’autre.

« Là ! voilà qui est fait ! dit-elle en prenant la brosse ;