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— Non, à coup sûr, et je ne sais pourquoi je m’en mêlerais. S’il vous prend fantaisie de payer douze cents dollars un esclave et de l’éreinter au moment le plus pressé de l’année, rien que pour satisfaire votre dépit, ce ne sont, certes, pas mes affaires ! J’ai fait pour lui ce que je pouvais.

— Ce que tu pouvais ? Qu’as-tu besoin de te mêler de ce qui me regarde ?

— Aucun, assurément. Je vous ai économisé quelques milliers de dollars, à différentes reprises, en prenant soin de vos manœuvres, c’est le remerciement que j’en reçois. Si vous avez au marché plus petite récolte que les autres, ne perdrez-vous pas votre gageure ? Tompkins ne chantera-t-il pas victoire ? et vous payerez à beaux deniers comptants, n’est-ce pas ? il me semble déjà vous y voir ! »

Legris, comme beaucoup d’autres planteurs, n’avait qu’une ambition : — faire la plus belle récolte de la contrée. Et il avait engagé, à ce sujet, plusieurs paris à la ville voisine. Cassy avait donc, avec le tact féminin, touché la seule corde qui pût vibrer en lui.

« Eh bien ! je l’en tiendrai quitte pour ce qu’il a reçu, dit Legris ; mais il me demandera pardon et promettra de s’amender.

— Il ne le fera pas, répondit Cassy.

— Il ne le fera pas ! hein ?

— Non, il n’en fera rien, répéta Cassy.

— Je voudrais bien savoir pourquoi, maîtresse ? dit Legris avec un suprême dédain.

— Parce qu’il a bien agi, qu’il le sait, et qu’il ne dira pas qu’il a eu tort.

— Qui diable s’inquiète de ce qu’il sait ? Le maudit nègre dira ce qu’il me plaît de lui faire dire, ou bien…

— Ou bien, vous perdrez vos paris sur la récolte, en l’éloignant du champ au moment de la presse.

— Mais il cédera, il cédera ! Ne connais-je pas les nègres ? Il rampera comme un chien, ce matin.