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résolu, et vous avez raison d’avoir peur. Soyez sur vos gardes, car le démon me possède et me pousse ! » Elle lui siffla ces derniers mots à l’oreille.

« Va-t’en ! sur mon âme, je crois que tu l’es, possédée ! Et Legris la repoussa loin de lui, et l’examina avec malaise.

« Après tout, Cassy, reprit-il, pourquoi ne serions-nous pas bons amis, comme par le passé ?

— Comme par le passé ! » répéta-t-elle avec amertume. Elle s’arrêta court, — un monde de sentiments surgit dans son cœur, l’étouffa, la rendit muette.

Cassy avait toujours eu sur Legris l’espèce d’influence qu’une femme énergique et passionnée exerce sur l’homme le plus brutal ; mais depuis peu, elle était devenue de plus en plus irritable, de plus en plus impatiente du joug hideux de sa servitude, et son irritation allait parfois jusqu’au délire : ces accès en faisaient un objet de terreur pour Legris, qui avait des fous cet effroi superstitieux, fréquent chez les esprits grossiers et ignorants. Quand il avait amené Emmeline à l’habitation, tous les sentiments féminins, toutes les douleurs couvées longtemps sous les cendres, se ranimèrent dans le cœur usé de Cassy, et elle prit parti pour la jeune fille : il s’ensuivit une querelle farouche entre elle et Legris. Dans sa fureur, il jura que, si elle ne voulait se tenir en paix, il l’enverrait à la cueille du coton avec les esclaves. Cassy déclara, dans son orgueilleux dédain, qu’elle irait. Elle y alla et accomplit sa tâche, pour montrer le cas qu’elle faisait de la menace.

Legris avait été secrètement mal à l’aise tout le jour, car il ne pouvait s’affranchir de l’empire de Cassy.

Il avait espéré, lorsqu’elle apporta son panier au pesage, obtenir quelque concession, et il lui avait parlé d’un ton demi conciliant, demi impérieux : elle lui avait répondu avec le plus outrageant mépris.

L’indigne traitement infligé au pauvre Tom l’avait