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désolée, et il fut si bon, si tendre pour moi ! Il me dit m’avoir vue avant mon entrée au couvent, et m’avoir toujours aimée depuis ; il promit d’être mon protecteur et mon ami ; — bref, quoiqu’il ne m’en dit rien, il m’avait payée deux mille dollars, et j’étais sa propriété. — Je devins volontairement son esclave ; car je l’aimais. Je l’aimais ! répéta la femme en s’arrêtant. Oh ! combien j’ai aimé cet homme ! combien je l’aime encore, — je l’aimerai jusqu’à mon dernier souffle ! Il était si beau, si noble, si grand ! Il m’installa dans une maison magnifique remplie d’esclaves, de chevaux, d’équipages ; il me combla de toilettes et de bijoux ; tout ce que l’argent peut faire il le fit ; mais je n’attachais nulle valeur à ses dons. Je n’avais souci que de lui ! Je l’aimais plus que mon Dieu, plus que mon âme ; et, quand j’aurais voulu lui résister, mon amour ne me l’eût pas permis.

« Je ne souhaitais ardemment qu’une chose, — une seule, — devenir sa femme, sa femme légitime. Je pensais que s’il m’aimait comme il le disait, que si j’étais ce qu’il paraissait croire, il m’eût épousée et affranchie ; mais il me convainquit que c’était chose impossible ; il m’assura que si nous étions fidèles l’un à l’autre, nous étions mariés devant Dieu. Si cela est vrai, ne fus-je pas la femme de cet homme ? Ne lui fus-je pas fidèle ? Pendant sept ans n’ai-je pas étudié chacun de ses regards, chacun de ses mouvements ; n’ai-je pas vécu, respiré uniquement pour lui ? Il eut la fièvre jaune, et pendant vingt nuits je le veillai. — Moi seule je lui donnai ses breuvages et le soignai sans relâche ; il m’appelait son bon ange, il me remerciait de lui sauver la vie. »

« Nous eûmes deux beaux enfants. L’aîné était un garçon ; nous l’appelâmes Henri comme son père ; c’était sa vivante image : il avait les mêmes beaux yeux, le même front, les mêmes cheveux bouclés ; il tenait aussi de lui son esprit, son intelligence, sa fierté. La petite Élise, disait-il, me ressemblait. Il assurait que j’étais la plus