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amertume ; je ne suis qu’une misérable esclave comme vous, — plus avilie que vous ne pourrez jamais l’être ; — mais, reprit-elle, s’approchant de la porte, et attirant au dedans une petite paillasse qu’elle avait couverte de draps imbibés d’eau froide, essayez, mon pauvre garçon, de vous rouler là-dessus. »

Raide et endolori de blessures et de contusions, Tom fut lent à accomplir ce mouvement ; mais, quand il y fut parvenu, cette fraîcheur lui fit aussitôt éprouver un soulagement sensible.

La femme, qu’une longue pratique auprès des victimes de la brutalité avait rendue adroite dans l’art de guérir, employa tous ses soins pour Tom, et il se sentit mieux.

« Maintenant, dit-elle, après lui avoir posé la tête sur un ballot de coton avarié en guise de traversin, voilà, je crois, tout ce que je puis faire pour vous. »

Tom la remercia ; elle s’assit à terre, entoura ses genoux de ses deux bras, et regarda fixement devant elle, avec une amère et douloureuse expression. Son chapeau de paille se détacha, et les longs flots ondoyants de sa noire chevelure encadrèrent en tombant son étrange et mélancolique visage.

« C’est peine perdue, mon pauvre garçon ! s’écria-t-elle enfin ; il ne sert à rien d’essayer ce que vous avez tenté. Vous avez été brave, — vous aviez le bon droit pour vous ; mais, croyez-moi, lutter est inutile et hors de question. Vous êtes dans les griffes du diable, il est le plus fort ; il faut céder. »

Céder ! hélas ! la faiblesse humaine, l’angoisse physique ne le lui avaient-elles pas déjà murmuré ? Tom tressaillit, car cette femme, avec son accent amer, ses yeux sauvages, sa voix douloureuse, lui apparut comme la tentation incarnée contre laquelle il s’était débattu tout le jour.

« Ô Seigneur ! ô Seigneur ! gémit-il. Comment céderais-je ?