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s’attacher avec une inébranlable ardeur au grand mot d’ordre du chrétien : « Dieu est celui qui est, celui qui récompensa ceux qui le cherchent et ne se lassent pas. »

Tom se leva désespéré, et se rendit, en trébuchant, dans la case qui lui était assignée, le plancher était déjà jonché de dormeurs accablés de lassitude, et les exhalaisons infectes le firent presque reculer. Mais la rosée de la nuit était morbide et glacée, ses membres fatigués se raidissaient, il s’enveloppa d’une couverture en lambeaux qui formait tout son lit, s’étendit sur la paille, et tomba endormi.

Alors une douce voix murmura dans son oreille ; il était assis sur le siège de mousse, au bord du lac Pontchartrain. Éva, ses yeux doux et sérieux abaissés sur le livre, lui lisait la Bible, et il entendit ces paroles :

« Quand tu passeras par les eaux, je serai avec toi ; et quand tu passeras par les fleuves, ils ne te noieront point ; quand tu marcheras dans le feu, tu ne seras point brûlé, et la flamme ne t’embrasera point, car je suis le Seigneur ton Dieu, le saint d’Israël ton Sauveur[1]. »

Les mots, peu à peu, semblèrent se dissoudre dans l’air et monter comme une musique céleste ; l’enfant releva ses grands yeux, et attacha sur Tom avec amour son profond et doux regard, d’où partaient des rayons chauds et vivifiants qui venaient lui épanouir le cœur. Elle semblait planer avec les sons, portée à demi par eux ; soudain elle déploya de blanches ailes d’où pleuvaient de brillantes étincelles, des flocons d’or, une averse d’étoiles ; puis — Éva avait disparu.

Tom s’éveilla : était-ce un rêve ? Soit. Mais qui dira qu’à ce doux, jeune esprit, pénétré durant sa vie d’un si ardent désir de soulager, de consoler les malheureux, qui dira que Dieu eût interdit après sa mort ce divin ministère ?

  1. Isaïe, ch. XLIII, v. 8.