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ou bien qui n’étaient plus femmes que de nom. Le fort repoussait le faible : — partout se montrait à découvert l’égoïsme grossier, brutal, d’êtres dont on ne pouvait rien attendre, rien espérer de bon : traités comme la brute, ils arrivaient à son niveau. Le grincement criard des moulins à bras se prolongea bien avant dans la nuit ; car il y avait beaucoup d’affamés, les moulins étaient rares, et les faibles, les épuisés, chassés par les forts, n’arrivaient qu’en dernier.

« Hé ! holà ! à toi ! dit Sambo jetant un sac de blé au pied de la mulâtresse ; quel est ton satané nom ?

— Lucie, répondit-elle.

— Eh bien, Luce, te voilà ma femme : va-t’en me moudre mon blé et me faire cuire mon souper, entends-tu ?

— Je suis pas, je veux pas être votre femme, dit la mulâtresse avec l’impétuosité du désespoir, laissez-moi !

— Je t’arrangerai, va ! dit Sambo, et il leva un pied menaçant.

— Vous pouvez me tuer si vous voulez ! le plus tôt sera le mieux. — Oh ! je voudrais être morte ! s’écria-t-elle.

— Je dis, Sambo, que tu vas détériorer nos mains. Moi, pas tarder à prévenir maît’, vois-tu ! » grommela Quimbo, en train de moudre au moulin, d’où il avait brutalement chassé deux ou trois débiles créatures, qui attendaient là pour préparer leur blé.

— Et je lui dirai, moi, que tu laisses seulement pas approcher les femmes du moulin ! entends-tu, vieux nèg’ ! reprit Sambo ; mêle-toi de ce qui te regarde. »

Tom, après avoir marché tout le jour, mourant de faim, se sentait défaillir faute de nourriture.

« À toi, cria Quimbo, lui jetant un sac grossier qui pouvait contenir environ neuf litres de blé. Agrippe-moi ça, nèg’, et prends-y garde ! ménage ; c’est la pitance de ta semaine. »

Tom n’eut place aux moulins qu’à une heure fort