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sur le sol nu, foulé, endurci par d’innombrables pas.

« Laquelle des cases sera pour moi ? demanda-t-il à Sambo d’un ton soumis.

— Sais pas ; — là, p’t-être y a encore place pour un, dit Sambo ; ici, pour un autre. Y a un fier tas de nèg’s tout d’même dans chacune pour l’heure. Par ma foi, s’il en revient d’autres, c’est pas moi qui sais quoi en faire !

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La soirée s’avançait lorsque les habitants des huttes, troupeau harassé de fatigue, parurent — hommes et femmes à demi couverts de dégoûtants lambeaux, tristes, hargneux, mal disposés à faire accueil aux nouveaux venus. Les sons qui animèrent alors le pauvre village n’étaient rien moins qu’agréables : de grossières voix, rauques et gutturales, se disputaient les moulins à bras qui devaient moudre la petite provision de blé sur laquelle roulait l’espoir du souper de chacun. Depuis l’aube ils étaient aux champs, à l’ouvrage, travaillant, se hâtant, sous le fouet des piqueurs ; car on était au fort de la saison, et rien n’était épargné pour tirer de chaque main tout ce qui pouvait en être obtenu. « Bah ! dira le nonchalant oisif, ce n’est pas un pénible travail, après tout, que de cueillir du coton ! » Vraiment ? Il n’est pas pénible non plus de recevoir une goutte d’eau sur le front : et cependant la plus cruelle torture que l’inquisition ait pu infliger, ce sont ces gouttes tombant incessamment, une à une, toujours à la même place. Le plus léger travail, s’il est imposé, pressé, exigé avec une uniformité implacable, devient le plus rude des labeurs, surtout si nul libre exercice de la volonté n’en allège l’insipide monotonie.

Tom, à mesure que la foule arrivait, passait en vain en revue tous ces sombres visages, cherchant une physionomie sympathique. Il ne voyait qu’hommes abrutis et revêches, que femmes découragées, à demi défaillantes,