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Désolée, même aux yeux du voyageur qui, la poche bien garnie, va et revient sur un bon cheval, en vue de quelque affaire, la contrée est bien autrement sauvage et terrible pour de malheureux esclaves, que chaque pas éloigne de tout ce qu’ils aiment, de tout ce qui charmait leur vie.

C’était ce qui se pouvait aisément lire sur ces physionomies abattues et sombres, dans ces regards douloureux, patients, tristement attachés à chaque objet qui fuyait des deux côtés de la route.

Simon, lui, voyageait plus gaiement, puisant de temps à autre un redoublement d’entrain dans le flacon de rhum qu’il tirait fréquemment de sa poche.

« Holà, hé ! vous autres, cria-t-il se retournant et jetant un coup d’œil sur les malheureux qui le suivaient : une chanson, hein ! Allons, mes drôles, — allons donc ! »

Les hommes s’entre-regardèrent ; le allons ! fut répété, et Simon fit claquer le fouet qu’il tenait à la main.

Tom essaya de chanter une hymne méthodiste.

Jérusalem, ô ma patrie !
Nom si cher, nom si respecté !
Dans mes peines vers toi je crie,
Implorant ta félicité !…

— Paix ! Te tairas-tu, damné nègre ! reprit Legris. Qu’ai-je à faire de tes infernales brailleries méthodistes ? Qu’on m’entonne quelque chose de gaillard ! allons, et vite ! »

L’un des hommes commença une de ces insignifiantes chansons, qui ont cours parmi les esclaves.

C’est un vrai raccoun que moi prendre,
Hè hi ! hè ho ! hè hi ! ho hà !
Maît’ à moi v’là qui rit à s’ fendre.
Quoi donc que tu fais là mon gas ?