Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une impitoyable violence ? Comment la foi de ces pauvres, de ces « petits » du Christ, ignorants, faibles, jeunes, y pourrait-elle résister ?

Le bateau remontait — avec son lourd fret d’angoisses et de douleur — le courant fangeux et trouble qui serpente à travers les brusques sinuosités de la rivière Rouge ; et des yeux tristes et fatigués contemplaient l’argile rougeâtre des berges abruptes qui se prolongent avec une sombre monotonie. Enfin le bateau s’arrêta devant une petite ville, où débarquèrent Legris et sa vivante cargaison.


CHAPITRE XXXIII.

Les ténèbres extérieures.


La terre est couverte de ténèbres épaisses et remplie de repaires de violence.
______Ps. LXXIV, verset 20.


Se traînant derrière un rude chariot, sur un chemin plus rude encore, Tom et ses compagnons avançaient péniblement.

Dans le chariot siégeait Simon Legris, et sur l’arrière les deux femmes, toujours enchaînées ensemble, avaient été arrimées avec les bagages. Toute la troupe se rendait à la plantation de Legris, située à quelque distance.

La route est sauvage, déserte ; tantôt elle tournoie à travers ces arides solitudes qu’on nomme barrens, où le vent gémit et siffle tristement dans les branches des pins ; tantôt, sur des troncs alignés, inégale chaussée, elle franchit d’interminables marécages spongieux, parsemés de cyprès. L’arbre lugubre, enguirlandé de funèbres mousses noires, monte en spirale du marais ; de temps à autre le serpent mocassin apparaît, enroulant de ses dégoûtants replis les souches et les branches vermoulues qui pourrissent dans la fange.