Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’entretenir le chien de chaque nègre, et il m’a ordonné d’attacher une pierre au cou de Carlo, et de le jeter dans la mare.

— Ah ! Georges, tu ne l’as pas fait !

— Non — pas moi, mais lui. Le maître et son fils Tommy l’ont noyé et assommé à coups de pierres. Pauvre animal ! il me regardait si tristement comme s’il en eût appelé à moi pour le sauver. Puis, j’ai été fouetté pour n’avoir pas voulu tuer mon chien. Mais que m’importe ? Le maître verra que je ne suis pas de ceux qu’on mate avec le fouet. Mon jour viendra ; qu’il y prenne garde !

— Que vas-tu faire, Georges ? Oh ! je t’en conjure, ne fais rien de mal. Si tu voulais seulement t’en fier à Dieu et patienter, il te délivrerait.

— Je ne suis pas chrétien comme toi, Éliza ; mon cœur est plein de fiel : je ne peux pas m’en fier à Dieu ! Pourquoi laisse-t-il aller les choses de cette façon funeste ?

— Oh ! Georges, ayons de la foi ! Maîtresse dit que quand bien même tout irait mal, nous devons croire que Dieu fait pour le mieux.

— C’est facile à dire à ceux qui sont assis sur des sofas, traînés dans des carrosses ; — qu’ils changent de place avec moi, et ils changeront de langage. Je voudrais pouvoir être bon ; mais le cœur me brûle, et ne peut pas se résigner. Tu ne le pourrais pas non plus — tu ne le pourras pas, — quand je t’aurai dit ce que j’ai à te dire. Tu ne sais pas tout encore.

— Que peut-il y avoir de plus ?

— Le maître a déclaré récemment qu’il se repentait de m’avoir laissé prendre femme hors du domaine, qu’il détestait M. Shelby et toute sa race, parce que ce sont des orgueilleux qui lèvent la tête plus haut que lui ; il a dit que c’était de toi que je tenais mes idées d’indépendance, qu’il ne me permettrait plus de venir ici, et que j’aurais à prendre une autre femme, et à faire ménage sur