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lèvres remuaient à mesure qu’en sortaient les fragments de l’hymne sacrée.

« Son esprit s’égare, dit le médecin.

— Non ! il arrive ! il arrive… enfin ! dit Saint-Clair avec énergie : enfin ! enfin ! »

L’effort l’épuisa ; la pâleur de la mort couvrit son visage ; mais avec elle descendit, comme sur les ailes d’un ange compatissant, l’admirable expression de paix d’un enfant fatigué qui s’endort.

Il demeura ainsi quelques secondes. On voyait que la main toute-puissante était étendue sur lui. Un peu avant le moment suprême, il rouvrit les yeux ; et, avec un éclair soudain de joie et de reconnaissance, il s’écria :

« Ma mère ! »

Puis, il rendit l’esprit.


CHAPITRE XXX.

Les délaissés.


Il n’est pas sur la terre de créature plus isolée, plus dépourvue de protection, plus à plaindre, que l’esclave qui perd un bon maître.

Après la mort d’un père il reste encore à l’enfant des amis et l’appui de la loi. Il est quelqu’un ; il peut faire quelque chose ; — il a des droits et une position reconnue : pour l’esclave, rien de pareil. — Aux yeux de la loi c’est un immeuble, et pas plus. Les seules satisfactions accordées aux besoins, aux désirs légitimes d’une créature humaine et immortelle, lui viennent à travers la volonté souveraine du maître, et quand le maître disparaît, tout finit avec lui.

Peu d’hommes usent avec justice et générosité d’un pouvoir sans limites : tout le monde sait cela ; mais l’esclave