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les choses du passé se ravivent ainsi tout à coup ! »

Il se promena de long en large pendant quelques minutes, puis il dit :

« Je crois que je vais aller faire un tour dehors et savoir les nouvelles du soir. »

Il prit son chapeau, et sortit.

Tom le suivit, hors de la cour, sous la voûte, et lui demanda s’il devait l’accompagner.

« Non, mon garçon, dit Saint-Clair ; je serai de retour dans une heure. »

Tom s’assit sous la galerie. C’était par un beau clair de lune : il suivait des yeux le jet lumineux des eaux et leur chute écumante dans la fontaine ; il écoutait leur murmure. Il songea au logis : il allait bientôt être un homme libre ; — libre de retourner là-bas à sa volonté. Avec quelle ardeur ne travaillerait-il pas pour racheter sa femme et ses enfants ! Il raidit les muscles de ses bras robustes, joyeux de l’idée qu’ils lui appartiendraient sous peu, et qu’ils l’aideraient à affranchir sa famille. Puis sa pensée se reporta vers son noble jeune maître, et il récita la prière qu’il faisait tous les jours pour lui. Éva vint ensuite ; — la belle Éva, qui était maintenant un ange parmi les anges ; — il y pensa si longtemps, qu’il lui semblait voir le brillant visage, encadré de cheveux dorés, le regarder à travers la brume vaporeuse. Tout en songeant, il s’endormit ; il vit en rêve Éva, qui accourait à lui en bondissant, comme c’était sa coutume, une guirlande de jasmin dans les cheveux, les joues rosées et les yeux rayonnants de joie. Mais, comme il la contemplait, elle s’éleva peu à peu de terre, — ses joues pâlirent, — ses yeux prirent un éclat céleste et profond, une auréole d’or entoura sa tête, — et elle disparut. Tom fut réveillé en sursaut par de grands coups frappés à la porte, et par le son de plusieurs voix au dehors.

Il se hâta d’ouvrir : des hommes entrèrent à pas lourds et parlant bas ; ils portaient un corps, enveloppé d’un