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Surprise, effrayée, Éliza s’assit, pencha sa tête sur l’épaule de son mari, et fondit en larmes.

« Là, maintenant… c’est mal à moi de te faire toute cette peine, pauvre femme, c’est très-mal ! Oh ! pourquoi m’as-tu jamais vu — tu pouvais être si heureuse !

— Georges ! Georges ! comment peux-tu dire cela ?… Qu’est-il donc arrivé de si terrible ? N’étions-nous pas heureux, très-heureux, encore dernièrement ?

— Oui, nous l’étions, chère ! » dit Georges. Il attira l’enfant sur ses genoux, regarda attentivement ses brillants yeux noirs, et passa ses doigts dans les anneaux soyeux de sa chevelure.

« Tout juste ton portrait, Lizie, et tu es bien la plus belle femme que j’aie jamais vue, et la meilleure que je souhaite jamais voir, et pourtant il vaudrait mieux ne nous être jamais rencontrés.

— Oh ! Georges. Comment peux-tu…

— Oui, Éliza, souffrir, toujours souffrir, rien que souffrir ! Ma vie est plus amère que l’absinthe : elle s’use et se consume de minute en minute. Je suis un pauvre misérable souffre-douleur, abandonné à son mauvais sort. Je t’entraînerai dans la fange avec moi, voilà tout ! À quoi bon essayer de faire quelque chose, de savoir quelque chose, d’être quelqu’un ? À quoi bon vivre ? Je voudrais être mort !

— Oh ! Georges, voilà qui est vraiment mal ! Je sais tout ce que tu as souffert en perdant ta place à la fabrique : tu as un dur maître ; mais prends patience, et peut-être…

— Patience ! dit-il en l’interrompant. N’ai-je pas été patient ? Ai-je dit un seul mot quand, sans aucun prétexte raisonnable, il est venu m’arracher du lieu où j’étais bien, où tout le monde m’aimait ! Je lui rendais fidèlement jusqu’au dernier liard de mon gain, et tous disent que je travaillais comme deux.