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crois, Seigneur ! Aidez-moi dans mon incrédulité[1] ! »

— Qui sait rien sur rien ? dit Saint-Clair, le regard vague, et se parlant à lui-même. Tout ce pur amour, toute cette admirable foi, ne seraient-ils qu’une des phases changeantes des sensations humaines, ne s’appuyant sur rien de réel, passant avec ce petit souffle d’un jour ? N’y a-t-il donc plus d’Éva ? — point de ciel ? — point de Christ ? — rien ?

— Ô cher maître ! il y a tout cela ; je le sais ; j’en suis sûr, s’écria Tom, tombant à genoux. Croyez-le, cher maître ! croyez-le !

— Comment sais-tu qu’il y a un Christ, Tom ? tu ne l’as jamais vu.

— Je l’ai senti, maître ! — je l’ai senti dans mon âme ! je l’y sens à présent ! Ô maître ! quand j’ai été vendu, séparé de ma chère femme, de mes petits enfants, j’étais quasi brisé aussi. Je croyais qu’il ne me restait plus rien au monde ; mais le bon Seigneur était là, près de moi ; il a dit : « Ne crains pas, Tom. » Il illumine et réjouit l’âme du dernier des derniers. — II y met la paix. Je suis si heureux ! J’aime tout le monde ! Je ne demande qu’à être au Seigneur, et que sa volonté soit faite en moi, et partout, où, et comme il lui plaira. Je sais bien que cela ne peut venir de moi, qui ne suis qu’une pauvre créature sujette à la plainte : c’est un don du Seigneur, et je sais qu’il le tient tout prêt pour maître. »

Tom parlait en pleurant et d’une voix étouffée. Saint-Clair appuya sa tète sur l’épaule de Tom, et étreignit convulsivement sa main rude et fidèle.

— Tu m’aimes, Tom ? dit-il.

— Je donnerais ma vie de bon cœur, ce même jour béni pour voir maître chrétien.

— Pauvre bon fou ! dit Saint-Clair, se soulevant à demi ; je ne suis pas digne de l’amour d’un brave et honnête cœur comme le tien.

  1. Évangile de saint Marc, ch. 18, verset 26.