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des gâteaux, du vin, et des convives empressés de la beauté de la jeune fille et la générosité de la maîtresse.

Pendant un an ou deux Éliza put voir fréquemment son mari, et le bonheur du jeune ménage ne fut troublé que par la perte de deux petits enfants, passionnément aimé de leur mère, et qu’elle pleura avec un désespoir qui lui attira les douces remontrances de madame Shelby, anxieuse de ramener ces sentiments trop fougueux dans les limites de la raison et de la religion.

Après la naissance du petit Henri, la jeune femme s’était peu à peu calmée. Chaque lien saignant, chaque nerf ébranlé, enlacé de nouveau à cette frêle existence, se raffermissait et se fortifiait avec elle. Éliza avait été une heureuse femme jusqu’au jour où son mari, brutalement arraché à un chef bienveillant, était retombé sous la verge de fer de son propriétaire légal.

Fidèle à sa parole, le fabricant alla voir M. Harris une semaine ou deux après l’enlèvement de Georges, et mit en avant tout ce qui devait décider le maître à rendre à l’esclave son premier emploi.

« Vous pouvez vous épargner la peine d’en dire plus long, répliqua sournoisement le propriétaire : je suis juge de mes propres affaires.

— Je ne prétends pas non plus m’en mêler, monsieur ; seulement je pensais que dans votre intérêt vous pourriez consentir à nous louer votre homme aux termes proposés.

— Oh ! je comprends de reste. Je vous ai vu cligner de l’œil et chuchoter le jour où je l’ai repris. Mais vous avez affaire à aussi fin que vous ! Nous sommes dans un pays libre, monsieur. Cet homme est à moi, et j’en fais ce qu’il me plaît. — Voilà ! »

Ainsi s’évanouit le dernier espoir de Georges. — Rien, plus rien qu’une vie d’abjects et pénibles travaux, rendue plus amère encore par toutes les indignités, toutes les