« Papa, vous me brisez le cœur ! s’écria Éva, se redressant et se jetant dans ses bras. Il ne faut pas, il ne faut pas ! » L’enfant sanglotait et pleurait avec une violence qui les alarma tous. À l’instant les pensées de son père prirent un autre cours.
« Là, Éva, — là, ma chérie ! paix, paix ! j’avais tort ; j’ai mal fait : je me repens. — Je sentirai, je parlerai comme tu voudras ; — calme-toi seulement ; ne pleure plus. Je serai résigné. »
Comme une colombe fatiguée, Éva resta blottie dans le sein de son père qui, penché sur elle, cherchait à la calmer par les plus tendres, les plus caressantes paroles.
Marie se leva, s’élança hors de la pièce, et alla tomber chez elle, en proie aux attaques de nerfs.
« Et, à moi, Éva, dit le père souriant avec tristesse, tu ne m’as pas donné une boucle ?
— Ne sont-elles pas toutes à vous, papa ? à vous et à maman ? répondit-elle avec un sourire. Vous en laisserez prendre à tante autant qu’elle en voudra. Si je les ai données moi-même à nos pauvres gens, c’est que, voyez-vous, papa, ils pourraient être oubliés quand je serai partie ! C’est aussi pour les aider à se rappeler… Vous, papa, vous êtes chrétien, n’est-ce pas ? dit Éva avec un léger doute.
— Pourquoi me le demandes-tu ?
— Je ne sais. Vous êtes si bon que vous ne pourrez vous empêcher d’être chrétien.
— Mais, qu’est-ce qu’être chrétien, Éva ?
— C’est aimer le Christ par-dessus tout.
— Et tu l’aimes ainsi, Éva ?
— Oh ! oui, certainement !
— Tu ne l’as pourtant jamais vu ?
— Qu’est-ce que cela fait ? dit Éva. Je crois en lui, et je le verrai bientôt ! » Le jeune visage rayonna de joie et d’espoir.
Saint-Clair se tut ; il avait connu chez sa mère cette