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la chambre, et elle les croyait tous partis lorsqu’en se retournant elle aperçut Topsy debout.

« Eh ! d’où sortez-vous ? se récria-t-elle surprise.

— Moi, être là tout le temps, dit Topsy chassant de son mieux les larmes qui obscurcissaient sa vue. Oh ! miss Éva, moi avoir été bien méchante ! mais voudrez-vous pas en donner une aussi à moi ?

— Oui, pauvre Topsy ! oui, je le veux. Tiens, voilà ! — Chaque fois que tu la regarderas, pense que je t’aime, et que j’ai tant d’envie que tu sois bonne fille.

— Oh ! miss Éva ! moi, tâche tant que je peux : mais, Seigneur ! c’être si difficile se faire bon ! — pas habituée du tout, — sais pas m’y prendre !

— Jésus te voit, Topsy ; il te plaint ; il t’aidera. »

Topsy, la figure couverte de son tablier, passa silencieuse devant miss Ophélia ; elle avait déjà caché dans son sein la précieuse boucle.

Tous étaient sortis ; miss Ophélia ferma la porte. Elle avait pleuré plus d’une fois durant cette scène ; mais ce qui la préoccupait surtout, c’étaient les suites de cette vive excitation pour sa chère petite malade.

Saint-Clair était demeuré assis tout le temps, la main devant ses yeux, dans la même attitude. Après le départ des domestiques, il ne bougea pas davantage.

« Papa ! » dit doucement Éva, posant sa main sur la sienne.

Il tressaillit et frissonna sans répondre.

« Cher papa !

Je ne le puis ! s’écria-t-il en se levant. Non ! cela ne se peut pas ! Le Tout-Puissant me frappe sans pitié. » Le ton était plus âpre encore que les paroles.

« Augustin ! Dieu n’a-t-il pas le droit de faire ce qu’il veut des siens ? dit miss Ophélia.

— Peut-être ; mais ce n’en est pas plus aisé à supporter. » Le ton de Saint-Clair était sec, dur ; c’était une douleur poignante et sans larmes.