miss Ophélia. La maison regorge déjà de ces petites pestes : on ne saurait marcher sans mettre le pied dessus. Ce matin, je me lève, un négrillon roule endormi de derrière ma porte ; une tête noire se dresse de dessous la table ; je heurte un troisième moricaud couché sur le paillasson. De tous côtés, sur les balcons, sur les balustrades, on voit grimacer quelque face de suie ; partout moricauds, moricaudes, négrillons, négrillonnes, dorment, rient, pleurent, cabriolent, se roulent à terre, et fourmillent sur le plancher de la cuisine. Au nom du ciel, pourquoi nous embarrasser d’une de plus ?
— Pour vous la donner à élever ; — ne vous l’ai-je pas dit ? — Vous la formerez. — Votre grand thème n’est-il pas l’éducation ? — Eh bien, cousine, je vous donne un sujet tout neuf, tout frais, pour vous exercer la main.
— À moi ? je n’en ai que faire ; j’ai de quoi m’exercer dans la maison, je vous assure.
— Vous voilà bien, vous autres parfaits chrétiens ! vous créez des sociétés de bienfaisance, vous envoyez quelque infortuné missionnaire user ses tristes jours au milieu de païens de cette espèce ; mais s’agit-il de recevoir chez soi, près de soi, l’un de ces infidèles, de se charger personnellement de sa conversion : nenni vraiment ! Arrivé là on trouve le néophyte désagréable et sale, l’œuvre trop ennuyeuse, et ainsi du reste.
— Vous savez assez, Augustin, que ce n’est pas là mon point de vue. — Miss Ophélia, cela était clair, se radoucissait. — Il se peut qu’il y ait là une tâche vraiment chrétienne. » Elle jeta sur l’enfant un regard moins défavorable. Saint-Clair avait touché la corde sensible, car la conscience de miss Ophélia était toujours sur l’éveil. « Pourtant, ajouta-t-elle, je ne puis voir la nécessité d’acheter cette enfant, quand il y a certes dans votre maison de quoi employer tout mon temps, toute ma science et au delà.
— Eh bien donc, cousine, et Saint-Clair la prit à