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« Capital monsieur ! — du premier crû ! » Puis, frappant encore familièrement sur l’épaule de Shelby, il ajouta : Voyons, traitons de cette fille. Que vous en offrirai-je ?… Combien en voulez-vous ?

— Monsieur Haley, elle n’est pas à vendre, dit Shelby ; ma femme ne s’en déferait pas pour son pesant d’or.

— Bah ! c’est ce que disent toujours les femmes, parce qu’elles n’entendent rien au calcul ; mais montrez-leur seulement ce qu’on peut acheter de bijoux, de plumes, de babioles, avec le poids en or de leur négresse favorite, et cela change la thèse.

— Je vous dis une fois pour toutes qu’il n’y a pas à en parler, Haley ; j’ai dit non, et c’est non, reprit Shelby d’un ton décidé.

— Vous me donnerez au moins l’enfant. Convenez qu’à cause de lui j’ai joliment rabattu de mes prétentions.

— Et que pourriez-vous faire de l’enfant ?

— Oh ! j’ai un ami qui exploite cette branche de commerce. Il lui faut de beaux garçons à élever pour le marché. Article de fantaisie — ça se vend aux riches, qui ont de quoi payer la beauté, pour le service de la table et de l’antichambre. Un joli garçon qui ouvre la porte, qui vient au premier coup de sonnette, donne du relief à une grande maison. L’article est en hausse, et ce petit lutin est si comique, si bon chanteur, qu’il ira à mon ami comme un gant.

— J’aimerais mieux ne pas le vendre, dit M. Shelby d’un ton soucieux. Le fait est que je suis un homme humain, et qu’il me répugne d’enlever l’enfant à sa mère.

— Ah ! ça vous répugne ? — oui — c’est assez naturel. Je comprends. Il est horriblement désagréable quelquefois d’avoir affaire aux femmes. Je hais toutes ces criailleries, toutes ces pleurnicheries ! mais j’ai ma façon d’arranger les choses. Il n’y a qu’à envoyer la mère un peu loin, pour un jour, ou deux, pour une semaine, c’est