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Quoique sa façon de procéder fût quinteuse, intermittente, et qu’elle dédaignât de tenir compte du temps et du lieu, quoique sa cuisine eût généralement l’air d’avoir été dévastée par quelque ouragan terrible, et qu’elle eut, pour mettre ses ustensiles, autant de places diverses qu’il y a de jours dans l’an, si l’on avait la patience d’attendre que le monde surgît du chaos, le dîner finissait par arriver en bon ordre, et tel qu’un épicurien n’y eût pu trouver à redire.

C’était le moment des préliminaires du repas. Dinah, qui soignait ses aises, et qui éprouvait le besoin de se ménager de grands intervalles de repos avant l’action, était assise sur le plancher, et fumait une vieille pipe tronquée, sorte d’encensoir qu’elle allumait pour aider à ses inspirations : c’était sa manière d’invoquer les muses domestiques.

Groupée autour d’elle, la génération naissante, qui abonde toujours dans une habitation du Sud, s’occupait à écosser des pois, à peler des pommes de terre, à plumer des volailles. De temps à autre, Dinah, interrompant le cours de ses méditations, allongeait un coup de sa cuillère de bois à quelques-uns des jeunes travailleurs : car Dinah gouvernait ces petites têtes crépues avec un sceptre de fer : « ces jeunesses » n’étant crées et mises au monde, selon elle, que « pour lui épargner des pas. » Élevée dans ce système, elle l’appliquait rigoureusement.

Après avoir fait la revue de diverses parties de la maison, miss Ophélia fit son entrée dans la cuisine. Informée par de nombreux rapports de ce qui se passait, Dinah avait résolu de se tenir sur la défensive, et de n’opposer aux nouvelles mesures qu’une feinte ignorance, sans en venir à une guerre ouverte.

La cuisine était une vaste pièce carrelée, dont une immense et antique cheminée occupait tout un côté. Saint-Clair avait en vain tenté d’y substituer un foyer moderne