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invité par de bons vivants à se réunir à eux, fut rapporté chez lui, entre une et deux heures du matin, dans un état d’anéantissement qui ne prouvait que trop la victoire des appétits physiques sur le moral. Tom et Adolphe aidèrent à le coucher ; le dernier, regardant la chose comme une excellente plaisanterie, riait aux éclats du rustique effroi de Tom, assez simple pour passer le reste de la nuit debout, en prières, près de son maître.

« Eh bien, qu’attends-tu donc ? dit Saint-Clair, assis le lendemain dans la bibliothèque, en robe de chambre et en pantoufles, comme il venait de donner à Tom de l’argent et l’ordre de faire quelques emplettes. Est-ce que tout n’est pas en règle ? ajouta-t-il en le voyant immobile à la même place.

— J’ai peur que non, maître, » dit Tom d’un air grave.

Saint-Clair posa sur la table son journal et sa tasse de café, et regarda Tom.

« Eh bien, qu’y a-t-il ? Tu as l’air à peu près aussi réjouissant qu’un catafalque !

— Je me sens pas bien, maître. J’avais toujours cru maître bon envers tout le monde.

— Est-ce que je ne l’ai pas été ? Voyons, Tom, que veux-tu ? tu as envie de quelque chose, j’imagine, et c’est là ta préface.

— Oh ! maître a toujours été bon pour moi : je n’ai pas sujet de me plaindre ; mais il y a quelqu’un pour qui maître n’est pas bon.

— Que diable as-tu dans l’esprit, Tom ? Parle ! que veux-tu dire ?

— La nuit dernière, entre une et deux heures, j’y ai pensé ; j’ai bien retourné la chose dans ma tête. Le maître n’est pas bon pour lui. »

Tom avait le dos tourné et la main sur le bouton de la porte. Saint-Clair devint pourpre, mais il rit.

« Oh ! c’est tout ? dit-il gaiement.

— Tout ! s’écria Tom, se retournant et tombant à genoux.