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De leur côté, les pauvres malheureux traqués avaient atteint le sommet de la chaîne. Là, le sentier fuyait à travers un étroit défilé, ou l’on ne pouvait passer qu’un à un. Tout à coup ils se trouvèrent arrêtés par une crevasse large de plus d’un mètre : au delà, une pile de rocs, séparée du reste de la chaîne, élevait à trente pieds de hauteur ses flancs nus et perpendiculaires comme les murailles d’un château fort. Phinéas franchit d’un bond la crevasse, et déposa l’infant sur une plate-forme tapissée de mousse, à la cime du rocher.

« À votre tour ! cria-t-il. Sautez ferme, si vous tenez à la vie ! » L’un après l’autre ils franchirent le précipice, et escaladèrent le roc. Des fragments de pierres mobiles leur servaient de rempart, et les empêchaient d’être vus d’en bas.

« Eh bien ! nous y voilà tous ! dit Phinéas, retranché derrière les fragments de granit, d’où il épiait les assaillants qui montaient en désordre. Qu’ils nous attrapent, s’ils peuvent ! Personne n’arrivera ici sans passer d’abord seul dans le défilé entre ces deux rocs, tout juste à portée de vos pistolets, enfants. Voyez-vous !

— Je vois, répondit Georges : mais comme ceci nous regarde, laissez-nous courir tout le risque, et livrer la bataille.

— À ton aise, Georges, donne-t’en à cœur joie ! reprit Phinéas en mâchant quelques feuilles de thym ; mais tu ne m’interdis pas le plaisir du spectacle, je suppose. Vois donc comme ils se consultent là-bas ! ils ont l’air de poules qui se préparent à grimper sur le perchoir. Ne ferais-tu pas bien de leur envoyer un mot d’avis, avant de les laisser se mettre en route ? ne fût-ce que pour les avertir loyalement qu’ils se feront tuer ? »

Le groupe au-dessous, éclairé par les premières lueurs du jour, était maintenant très-visible. Il se composait de nos anciennes connaissances, Tom Loker et Marks, de deux constables, et d’un ramas de vagabonds enrôlés