Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours de ma vie, et qu’à vingt-cinq ans je n’aie pas un denier, pas un toit pour me couvrir, pas un pouce de terre que je puisse appeler mien, si on me laissait en paix, — je serais heureux, — reconnaissant. Je travaillerai, et j’enverrai l’argent du rachat de toi et de mon fils. Quant à mon vieux maître, il a quintuplé et au-delà ce que j’ai pu lui coûter ; — je ne lui dois rien.

— Nous ne sommes pas hors de danger, dit Éliza ; nous ne sommes pas encore au Canada.

— C’est vrai, mais il me semble en respirer déjà l’air libre, et il me remonte. »

En ce moment des voix se firent entendre dans la pièce voisine. On parlait avec vivacité : peu après on frappa à la porte, Éliza ouvrit.

Siméon Halliday était là, accompagné d’un confrère quaker, qu’il annonça sous le nom de Phinéas Fletcher. Phinéas était grand, efflanqué, roux ; sa physionomie exprimait beaucoup de perspicacité et passablement de ruse : il n’avait ni l’air placide de Siméon, ni son détachement des choses de ce monde. Tout au contraire, il était on ne peut plus éveillé, et au fait, comme un homme qui se pique de savoir de quoi il retourne, et d’avoir l’œil au guet, particularités qui contrastaient d’une étrange façon avec son chapeau à larges bords, et sa phraséologie méthodique.

« Notre ami Phinéas, dit Siméon, à découvert quelque chose d’important pour toi et les tiens, Georges ; il est bon que tu l’entendes.

— En effet, reprit Phinéas, et cela prouve, comme je l’ai toujours dit, qu’en certains endroits, un homme ne doit jamais dormir que d’une oreille. La nuit dernière je m’arrêtai dans une petite auberge isolée sur la route d’en bas ; tu te rappelles, Siméon, la même où nous vendîmes quelques pommes l’an passé à une grosse femme qui avait d’énormes pendants d’oreilles. Eh bien, j’étais las d’avoir longtemps roulé, et après souper je m’étendis