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une mine féconde de joyaux ! Il est à ses yeux le plus merveilleux Tom qu’une peau d’ébène ait recouvert ! — Éva est une de ces fleurs du ciel envoyées par Dieu, surtout pour le pauvre et pour l’humble, qui, sur terre, ont si peu d’autres joies !

— C’est singulier, cousin, à vous entendre parler on vous prendrait presque pour un prédicant.

— Un prédicant ? se récria Saint-Clair.

— Oui, pour un prédicant religieux.

— Ah ! certes non ; et, en tous cas, pas pour un de vos prédicants en vogue ; et ce qu’il y a de plus triste, pas pour un pratiquant, à coup sûr.

— Pourquoi donc alors parlez-vous ainsi ?

— Rien de plus facile que de parler. Shakespeare, je crois, fait dire à un de ses personnages : « Il me serait plus aisé d’enseigner à vingt disciples ce qu’il est bon de faire, que d’être un des vingt. » Il n’est rien de tel que la division du travail. Ma verve passe en paroles, cousine ; la vôtre, en actions. »




À cette époque, la situation extérieure de Tom n’était pas, selon le monde, celle d’un homme à plaindre. Dans sa prédilection pour lui, et poussée aussi par l’instinct d’une noble nature reconnaissante et affectueuse, la petite Éva avait prié son père d’attacher Tom à son service personnel, pour l’escorter pendant ses promenades à pied ou à cheval. Tom avait donc reçu l’ordre formel de tout quitter pour se mettre à la disposition de miss Éva ; ordre qui, comme nos lecteurs l’imaginent, fut loin de lui déplaire. Sa mise était soignée, Saint-Clair étant sur ce chapitre scrupuleux jusqu’à la minutie. Son service d’écurie, vraie sinécure, consistait simplement à inspecter et diriger tous les jours un palefrenier. Marie Saint-Clair avait déclaré qu’elle ne pouvait souffrir l’odeur des