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demanda miss Ophélia, avec une soudaine résolution.

— Trop de peine à prendre ; la paresse, cousine, l’invincible paresse, qui ruine plus d’âmes qu’on ne mettrait de gens en fuite en faisant le moulinet. Sans la paresse, j’aurais été un ange. Je serais porté à croire que cette paresse est ce que votre vieux docteur du Vermont appelait : « L’essence du mal moral. » C’est à coup sûr un triste sujet de méditation.

— Je pense qu’une responsabilité terrible pèse sur vous, maîtres d’esclaves ! Je ne voudrais pas l’avoir pour des mondes. Vous devez élever vos esclaves, et les traiter comme des créatures raisonnables, des créatures immortelles, dont vous rendrez un jour compte devant Dieu. C’est là ma pensée, s’écria miss Ophélia cédant à l’élan d’indignation qui, tout le jour, s’était amassée dans son sein.

— Allons ! allons ! cousine ! répondit Saint-Clair en se levant vivement ; vous ne nous connaissez pas encore ! » Il s’assit au piano et attaqua un air de bravoure. Saint-Clair avait le génie de la musique, son exécution était brillante et ferme, ses doigts volaient sur les touches avec le mouvement rapide et léger d’un oiseau. Il joua air après air, en homme qui essaye de se remettre de belle humeur ; à la fin, repoussant les cahiers de musique, il se leva et dit gaiement : « Eh bien, cousine, vous nous avez donné une leçon un peu verte, mais vous avez fait votre devoir, et en somme, je ne vous en estime que plus. Je ne mets pas en doute que vous ne m’ayez jeté un pur diamant, mais il m’a si rudement atteint en plein visage, qu’au premier choc je ne l’ai pas apprécié tout ce qu’il vaut.

— Pour moi, je ne vois pas le but de cette mercuriale, reprit Marie. S’il est au monde quelqu’un qui traite mieux que nous ses esclaves, je serais enchantée qu’on me le montrât. Cela ne les rend pas meilleurs d’un atome ; au contraire, ils deviennent de plus en plus mauvais. Quant