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miss Ophélia en personne, revêtue de son habit de voyage neuf, d’indienne brune calandrée ; grande, roide, avec sa charpente osseuse, ses contours anguleux, son visage effilé, ses lèvres minces, comprimées par l’habitude de prendre en toute occurrence un parti décisif, ses yeux noirs et perçants, sur l’éveil pour découvrir quelque soin à prendre, quelque désordre à rectifier. Se » mouvements sont vifs, secs, énergiques. Assez taciturne d’ailleurs, elle dit cependant tout ce qu’elle veut dire, et ses mots vont droit au but. Enfin, elle est, dans son ensemble, la vivante personnification de l’ordre, de la méthode, de l’exactitude. Sa ponctualité défie celle de la meilleure pendule, et se montre aussi inexorable que le balancier d’une machine à vapeur.

À ses yeux, le péché des péchés, l’essence de tous les maux, se résume en un mot : désordre ! et ce mot revient souvent. Tout son mépris se condense dans l’emphase avec laquelle elle le prononce. Tout acte qui n’est pas la suite d’un dessein arrêté, les gens qui ne font rien, ceux qui ne savent ce qu’ils feront, ceux qui ne prennent pas les moyens de terminer ce qu’ils entreprennent, « désordonnés, désordre ! » Mais, la plupart du temps, le dédain d’Ophélia se congèle en une expression rêche et refrognée, plutôt qu’il ne s’exhale en paroles.

Son intelligence est cultivée ; son esprit net, actif, vigoureux. Elle a lu, et bien lu, l’histoire. Elle connaît ses vieux auteurs classiques ; et sa pensée, dans un cercle restreint, est droite et forte. Ses règles de morale, ses dogmes religieux, bien distincts, bien complets, dûment coordonnés, sont étiquetés, rangés, classés, comme les nombreux paquets de sa boite à ouvrage. Il y en a juste le compte, et il n’y en aura jamais ni plus ni moins. Il en est de même de ses notions sur tout ce qui concerne la vie pratique : — tenue de ménage dans toutes ses branches ; opinions politiques, sociales et privées en cours dans son village natal ; enfin, au fond de