Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La famille d’Augustin Saint-Clair, établie dans la Louisiane, était originaire du Canada. De deux frères d’humeurs, de caractères, de natures analogues, l’un alla gouverner une belle ferme dans l’État de Vermont ; l’autre, resté dans la Louisiane, en devint l’un des plus opulents planteurs. La mère d’Augustin descendait des premiers colons français qui avaient traversé l’Atlantique. Elle n’eut que deux fils : Augustin, le dernier, hérita de l’extrême délicatesse de constitution de sa mère, et, sur l’ordre exprès des médecins, fut envoyé tout jeune à la ferme de son oncle, afin de fortifier son tempérament à l’air vivifiant du Nord.

Si la sensibilité presque féminine qu’Augustin laissait voir, dans son enfance, avait disparu en apparence, lorsqu’il parvint à l’âge d’homme, elle n’en gardait pas moins au fond toute sa vivacité, toute sa fraîcheur. Ses talents distingués, en le portant vers les études littéraires et philosophiques, l’éloignaient des affaires et de la vie positive, et à peine terminait-il son éducation qu’il fut absorbé par une passion profonde. Son heure, — celle qui ne sonne qu’une fois, avait sonné ; son étoile, — celle qui si souvent n’éclaire que des rêves, avait paru à l’horizon ; bref, il aima, fut aimé, se fiança à une charmante fille des États du Nord, et partit pour hâter les préparatifs du mariage.

Il n’était arrivé que depuis peu dans le Sud, lorsqu’il y reçut un paquet contenant toutes ses lettres d’amour. Elles lui étaient renvoyées avec un mot du tuteur de sa fiancée, qui le prévenait qu’elle avait fait un autre choix, et serait mariée au moment où il recevrait cet avis. Frappé au cœur, mais trop fier pour demander une explication ou faire entendre une plainte, Augustin essaya, par un effort désespéré, d’arracher le trait qui le navrait. Lancé dans le tourbillon du monde, il fit la cour à la jeune beauté à la mode, parvint à se faire agréer promptement, et, dès que la chose fut possible, devint l’époux