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balance doucement notre ancienne amie Éliza, appliquée à un délicat travail de couture. C’est bien elle, mais plus pâle et plus maigre que dans sa petite chambre du Kentucky. L’ombre de ses longs cils, le contour de sa jolie bouche, trahissent une douleur profonde, mais contenue. Il est aisé de voir que le cœur de la jeune femme a mûri sous la rude discipline de la souffrance ; et lorsque, de temps à autre, elle lève ses grands yeux noirs pour surveiller les jeux de son Henri, qui, pareil à un papillon des tropiques, voltige çà et là, on y lit une fermeté, une décision, qu’on y eut vainement cherché en des jours plus heureux.

À ses cotés, une femme est assise : elle tient sur ses genoux une brillante casserole de métal, où elle range avec méthode des fruits secs. Elle peut avoir de cinquante-cinq à soixante ans, mais sa figure est de celles que le temps n’effleure que pour les embellir et les épurer. Son bonnet de crêpe lisse, d’un blanc de neige, taillé sur le strict patron quaker, son simple fichu de mousseline blanche, croisé sur sa poitrine en plis réguliers, sa robe et son châle gris, indiquent tout de suite à quelle communion elle appartient. Ses joues rondes et rosées ont encore, comme dans la jeunesse, le soyeux duvet de la pêche. Ses cheveux, légèrement argentés par l’âge, se séparent sur un front placide, où la vie n’a laissé qu’une empreinte, « paix sur la terre, et bon vouloir au prochain ; » au-dessous brillent deux grands yeux bruns, honnêtes, limpides, affectueux : il suffit de les regarder en face pour lire jusqu’au fond du meilleur, du plus loyal cœur qui ait jamais battu dans le sein d’une femme. On a tant et tant célébré la beauté des jeunes filles, peut-être se trouvera-t-il un poète sensible à la beauté des vieilles ? Qu’il s’inspire de notre bonne amie, Rachel Halliday, telle qu’elle est là, devant nous, assise dans sa berceuse ! Ladite berceuse, par suite peut-être d’un rhume attrapé dans sa jeunesse, d’une dispo-