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tira méthodiquement ses lunettes de leur étui, les mit sur son nez, et lut :

« En fuite de chez le soussigné, le mulâtre Georges. Ledit Georges a cinq pieds huit pouces, le teint très-clair, les cheveux bruns et bouclés. Il est intelligent, s’exprime bien, sait lire et écrire. Il tentera probablement de se faire passer pour blanc. Il a de profondes cicatrices sur le dos et sur les épaules. Il a été marqué dans la main droite de la lettre H.

« Je donnerai quatre cents dollars à qui me le ramènera vivant ; même somme à qui m’apportera une preuve satisfaisante qu’il a été tué. »

Le vieux gentilhomme lut ce signalement d’un bout à l’autre, à voix basse, comme s’il l’étudiait.

Le vétéran interrompit l’assaut qu’il livrait au chenet, ramena ses talons à terre, se leva dans toute sa longueur, marcha droit à l’affiche, et cracha délibérément dessus.

« Voilà ! c’est ma façon de penser, dit-il, et il retourna s’asseoir.

— Hé ! dites donc, reprit l’hôte, prenez garde à ce que vous faites ?

— J’en ferais tout autant au signataire de ce papier, s’il était ici ; et le long personnage se remit tranquillement à couper son tabac. — Tout homme qui a un esclave comme celui-là et qui ne trouve pas moyen de le mieux traiter, mérite de le perdre. De pareilles affiches sont une honte pour le Kentucky ; c’est mon avis, et je ne m’en cache pas.

— Ah ! quant à cela, c’est un fait, dit l’hôte en inscrivant les frais du dégât sur son livre.

— J’ai moi-même tout un régiment de nègres, poursuivit l’homme, reprenant sa position et son attaque contre le chenet ; je leur dis : Enfants, creusez, bêchez, courez, si le cœur vous en dit ! je ne serai jamais sur votre dos à vous espionner, et comme cela, je les gardes.