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8 LETTRES SUR ANDRÉ CHÉNIER.

du livre, je veux nourrir le même espoir. Mais je crains bien d’être déçu une fois encore.

Auprès de beaucoup de personnes d’ailleurs les travaux purement critiques ne sont pas en faveur. On consent à qualifier de brillantes certaines passe-d’armes littéraires ; mais au fond on ne veut y voir que des jeux d’esprit ou des assauts d’érudition. Cependant c’est le labeur incessant de la critique qui a conservé ou rétabli dans leur originalité première les chefs d’œuvre de l’esprit humain, à commencer par les poèmes homériques. Le but qu’elle poursuit est plus désintéressé qu’on ne croit. Après des travaux sans nombre, des recherches incessantes, de longues et continuelles lectures, si le critique parvient à fixer d’une façon définitive dans sa pureté première le texte du poète ou de l’écrivain qu’il a pris pour sujet de ses études, il n’a plus qu’une ambition, c’est de renverser sur le sol et de faire disparaître le savant échafaudage qui lui a servi à élever son monument. C*est alors qu’apparaissent ces superbes ou charmantes éditions dont la beauté du papier et la netteté des caractères sont les seuls attraits étrangers au texte lui-même. Les marges et le bas des pages sont purs de toutes notes : Qu’en est-il besoin ? Le texte est désormais fixé, et le lecteur peut s’abandonner, sans que rien vienne l’en distraire, au seul plaisir de la poésie. Or, c’est cette tranquillité inconsciente, ce plaisir sans mélange du lecteur, qui est précisément le